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Bonne lecture!

Anne-Sophie.

Wednesday 22 September 2010

Le lait : magie et désillusions (par Aurélie Chevalier)

C’était il y a un an et demi. Un mois s’était écoulé depuis la naissance de ma fille et je la contemplais, émerveillée. Elle avait tellement changé, tant grandi. Et de quoi ? D’amour et d’un peu de lait. De mon lait. Cela me semblait tellement aller de soi qu’aucune autre alternative n’avait été envisageable. C’est à la fin de ce premier mois que j’ai compris à quel point le lait est magique.
Le lait est magique. Oui, vraiment : pour le petit de son espèce.
A cette époque, il y a dix-huit mois, je buvais quant à moi du lait de vache, consciencieusement car je me sentais culpabilisée par je ne sais quelle lecture selon laquelle les femmes qui allaitent ont des besoins accrus en calcium, calcium que l’on trouve « bien évidemment » de préférence dans les produits laitiers, comme nous l’assènent la publicité et même les recommandations nutritionnelles officielles. A croire que l’industrie laitière souhaite faire absorber à la mère qui allaite ce que son bébé n’a pas pris sous forme de poudre… Ce ne sont pas les besoins accrus en calcium d’une mère allaitante que je récuse aujourd’hui mais ce matraquage fait autour des produits laitiers. A cette époque récente au cours de laquelle ma cuisine et mon alimentation étaient riches en produits laitiers, du lait dans lequel je noyais mes céréales du petit déjeuner à la crème fraîche de mes quiches, en passant par la poudre de lait ajoutée dans mon pain (telle était la recette de mon livre), mes yahourts maison au lait entier, les délicieux fromages du terroir que je dégustais en rentrant du marché le samedi et le lait concentré de ma pâte à tartiner au chocolat (maison, elle aussi), je n’avais pas pris conscience des faits suivants :
  •  l’Homme est le seul mammifère qui consomme le lait d’une autre espèce
  •  l’Homme est le seul mammifère qui consomme du lait toute sa vie, longtemps après l’âge auquel il est normalement sevré
  •  l’Homme n’a commencé à boire du lait de bovin qu’au néolithique, il y a 10.000 ans. C’est très peu comparé à l’âge de l’humanité (2,5 millions d’années). Certains scientifiques pensent que nos gènes ne se sont pas adaptés à ce bouleversement de notre alimentation.
  •  Le lait de vache contient du calcium alors que la vache ne boit pas de lait.
  •  Le calcium du lait de vache provient des végétaux qui constituent son alimentation. Une alimentation riche en végétaux est susceptible d’être riche en calcium.
  •  Le lait de vache est fait pour assurer la croissance en quelques mois d’un bovin de plusieurs tonnes, au cerveau à priori moins brillant que celui de l’Homme.
  •  Les occidentaux ont des besoins accrus en calcium parce que leur organisme puise celui-ci dans leurs os afin de rééquilibrer le pH rendu acide par une alimentation trop riche en protéines animales.
  • De nombreuses publications scientifiques incriminent le lait de vache dans différentes pathologies, notamment certains cancers (par exemple celui de la prostate), l’ostéoporose, le diabète de type 2. 
  •  Seulement trois races de vaches représentent 95 % du cheptel laitier bovin français, avec une prédominance de la Prim’Holstein, la vache blanche et noire qui représente à elle seule 71 % du cheptel et dont le rendement est aujourd’hui de plus de 6.000 kg/an alors que les rendements laitiers n’atteignaient pas 2.000 kg/an/vache dans les années 30 et jusqu’au milieu des années 1950. La Montbéliarde et la Normande suivent loin derrière et représentent respectivement 14 % et 10 % du cheptel. Cette uniformisation se fait au détriment de races obtenues par de patientes sélections au cours des siècles. Or, la variété est garante d’une moindre vulnérabilité aux mutations environnementales.
  • En France, le Grand Ouest assure la production des deux tiers de la production française de lait. Ceci se traduit –quoique dans une moindre mesure que dans d’autres pays européens ou aux Etats-Unis– par une intensification de la production. Les vaches voient de moins en moins l’herbe. Leur ration alimentaire repose de plus en plus sur le couple maïs-soja. Le premier contribue fortement au réchauffement climatique et à la pollution de l’eau par la production et l’utilisation d’engrais minéraux que sa culture nécessite. Le second provient d’Argentine, du Brésil et des Etats-Unis d’Amérique qui, à eux trois, produisent 80 % de la production mondiale de soja. Or, la culture du soja est le principal responsable de la déforestation de la forêt amazonienne. En outre, le consommateur final n’a pas la possibilité de savoir si le bétail qu’il mange ou qui a produit le lait qu’il boit a été nourri de soja transgénique (sauf rares mentions contraires ou label bio).
  •  L’industrie de la viande et celle du lait sont liées. Pour qu’une vache produise du lait, elle donne naissance à un veau tous les 12 à 14 mois. Celui-ci deviendra une vache allaitante ou un bovin viande : on l’engraissera dans ce cas pour sa chair en stabulation plus ou moins libre… —ou devrait-on dire de plus en plus forcée ? De sa graisse, on fera du suif utilisé en friture. Elle pourra également entrer dans la ration alimentaire de la volaille et des porcs.
  •  Il faut 8 calories d’origine végétale pour produire 1 calorie de lait. Les surfaces consacrées à la culture des céréales fourragères du bétail pourraient être consacrées à la culture de céréales consommables directement par l’Homme.
  •  A l’échelle de la planète, l’élevage consomme 8% de l’eau douce utilisée par l’Homme et il est le principal responsable de la pollution des ressources aquatiques.
  •  A l’échelle de la planète, l’élevage utilise 80 % des terres agricoles. A l’échelle de la planète, les activités liées à l’élevage contribuent pour 18 % aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, soit davantage que les transports.
Aujourd’hui, ma fille profite encore de quelques gouttes de lait maternel. Quant à moi, j’ai arrêté de boire du lait en bouteille et je me sens plus légère dans tous les sens du terme. Le lait, comme les autres produits animaux est riche en matières grasses saturées. Voilà ça de moins à traiter pour la belle petite machine qu’est mon corps. Pour moi, la course aux protéines et au calcium est terminée et je vous assure que cela ne m’empêche pas de faire de la natation et de la course à pied, au contraire. J’ai la chance d’habiter à côté d’un beau verger biologique et je préfère m’y arrêter pour m’approvisionner plutôt que de perdre mon temps, mon argent et ma santé dans le rayon des produits laitiers du supermarché du coin. C’est justement l’enjeu économique qu’il représente qui explique probablement pourquoi la majorité de nos concitoyens consomme encore ce liquide blanchâtre qu’on force souvent les enfants à avaler. Sans compter qu’ils le font souvent sans même le savoir car l’industrie agro-alimentaire en rajoute partout : dans les glaces, les biscuits, les barres chocolatées, les charcuteries et autres produits transformés, sous forme de lait en poudre, lactosérum, agent de texture, émulsifiant, et autres trouvailles.
J’ai toujours admiré les yeux des vaches : de grands yeux au regard doux. Je comprends que nos ancêtres aient pu être fascinés par cet animal puissant et dont le lait devait certainement améliorer un quotidien alimentaire monotone et pauvre en graisses, tellement éloigné de l’offre qui se présente aujourd’hui à nous. Au point que certaines cultures la déifiaient. Un monde s’étend entre cette époque où la vache était vénérée et la nôtre, où elle est devenue bien souvent un outil de production devant offrir un rendement maximum.

Biographie d'Aurélie Chevalier
Ingénieur généraliste, Aurélie Chevalier travaille depuis dix ans dans l’industrie automobile et la plasturgie mais elle possède également une expérience professionnelle dans l’industrie du traitement de l’eau et des déchets. Passionnée par le développement durable, elle a, dans le cadre d’un mémoire de master, entrepris des recherches dont l’objectif initial était d’établir les avantages éventuels des produits issus de l’agriculture biologique. Se questionnant sur la façon de s’alimenter, elle a mis le doigt sur des controverses concernant notamment nos besoins en calcium et en protéines. Elle a décortiqué le modèle alimentaire actuel des pays industrialisés et auquel aspire le reste de la planète et a mis en avant les caractéristiques qui le rendent critiquable d’un point de vue nutritionnel ainsi que sa contribution au réchauffement climatique. Aujourd’hui, Aurélie Chevalier souhaiter travailler dans la recherche dédiée à l’alimentation durable et s’investir dans la sensibilisation du public à ces questions. http://fr.linkedin.com/pub/aur%C3%A9lie-chevalier/4/69/a31

Bibliographie :

ß Campbell T. Colin et Campbell Thomas M.. 2006. Le rapport Campbell. Outremont, Canada : Ariane Editions. 488 p.
ß Collomb Philippe. 1999. « Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d'ici à 2050 ». Rome: Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). En ligne. <http://www.fao.org/docrep/003/x3002f/X3002F00.htm#TOC>
ß Eaton S. Boyd, MD and Eaton III Stanley B.. « Evolution, Diet and Health ». Departments of Anthropology and Radiology, Emory University, Atlanta, Georgia USA. En ligne. <http://cast.uark.edu/local/icaes/conferences/wburg/posters/sboydeaton/eaton.htm>
ß Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). 1996 (janvier). « Environmental Impact Assessment of Landless Livestock Ruminant Production Systems » par de Wit et al. En ligne. <http://www.fao.org/WAIRDOCS/LEAD/X6111E/X6111E00.HTM>
ß Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). 2006. « L'ombre portée de l'élevage : impacts environnementaux et options pour leur atténuation ». Rédigé par H. Steinfeld, P. Gerber, T. Wassenaar, V. Castel, M. Rosales, C. de Haan. Rome. En ligne. 494 p. <http://www.fao.org/docrep/012/a0701f/a0701f00.htm>
ß Garnett Tara. 2008 (septembre). « Cooking up a storm: Food, greenhouse gas emissions and our changing climate ». Food Climate Research Network, Centre for Environmental Strategy, University of Surrey. En ligne. 155 p. <http://www.fcrn.org.uk/fcrnPublications/publications/PDFs/CuaS_Summary_web.pdf>
ß GIEC. 2007. « Bilan 2007 des changements climatiques : Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ». [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction de~)]. GIEC, Genève, Suisse. En ligne. 103 p. <http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf>
ß Harvard School of Public Health. 2010. « Calcium and Milk: What's Best for Your Bones and Health?  ». En ligne. <http://www.hsph.harvard.edu/nutritionsource/what-should-you-eat/calcium-full-story/index.html>
ß Jussieu Roland, Montméas Louis et Parot Jean-Claude. 2000. L’élevage en France : 10 000 ans d’histoire. Dijon : Éducagri
ß Pflimlin A. 2008 (septembre). « Evolution de l’Europe laitière et des systèmes fourragers au cours des dernières décennies et perspectives ». Institut de l’élevage. En ligne. 20 p. <http://www.inst-elevage.asso.fr/html1/IMG/pdf_Evolution_Europe_laitiere.pdf>
ß Seignalet, Jean. 2004. L’alimentation, ou la troisième médecine. Editions de l'œil, 660 p.
ß Smith, P., D. Martino, Z. Cai, D. Gwary, H. Janzen, P. Kumar, B. McCarl, S. Ogle, F. O’Mara, C. Rice, B. Scholes, O. Sirotenko. 2007. « Agriculture. In Climate Change 2007: Mitigation. Contribution of Working Group III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change ». [B. Metz, O.R. Davidson, P.R. Bosch, R. Dave, L.A. Meyer (eds)], Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. En ligne. 44 p. <http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/wg3/ar4-wg3-chapter8.pdf>
ß Souccar Thierry. 2008 (17 avril). Lait, mensonges et propagandes. Thierry Souccar Editions, 287 p.
ß Souccar Thierry. 2006. Le régime préhistorique : Comment l'alimentation des origines peut nous sauver des maladies de civilisation. Montpellier : Editions Indigène, 175 p.
ß WHO (World Health Organization) et FAO (Food and Agriculture Organization). 2004. « Vitamin and mineral requirements in human nutrition ». Seconde Edition. En ligne. <http://www.who.int/nutrition/publications/micronutrients/9241546123/en/index.html>

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